Géopolitique de l’eau : tensions croissantes autour des ressources hydriques dans le monde
MONDE
10/2/20233 min read


L’eau, ressource essentielle à la vie, devient un enjeu géopolitique majeur à mesure que les besoins mondiaux augmentent et que les ressources disponibles diminuent. Avec la croissance démographique, l’industrialisation et les effets du changement climatique, la gestion de l’eau douce est devenue un défi mondial, suscitant des tensions entre les pays, les régions et même les communautés locales. Ce problème, souvent négligé, s’impose désormais comme un facteur clé dans les relations internationales et les dynamiques de pouvoir.
La rareté de l’eau touche particulièrement les régions arides et semi-arides du monde, où les ressources hydriques sont limitées et la demande en constante augmentation. Des régions comme le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et certaines parties de l’Asie du Sud connaissent déjà des niveaux critiques de stress hydrique. Dans ces zones, la compétition pour l’accès à l’eau alimente les tensions géopolitiques, exacerbant les conflits existants ou en créant de nouveaux. Les barrages, les détournements de cours d’eau et les infrastructures hydrauliques deviennent ainsi des outils de pouvoir et de contrôle, parfois au détriment des populations locales.
L’un des exemples les plus médiatisés est le barrage de la Renaissance en Éthiopie, qui est au cœur d’un différend entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan. Ce projet, le plus grand barrage d’Afrique, a suscité des craintes en aval, notamment en Égypte, qui dépend du Nil pour 90 % de son approvisionnement en eau. Les négociations, bien que nombreuses, peinent à apaiser les tensions, chaque partie défendant ses droits à l’eau dans un contexte de méfiance mutuelle et de pressions nationales.
En Asie, la gestion des fleuves transfrontaliers, comme le Mékong et le Brahmapoutre, est également source de tensions. La Chine, souvent appelée le "château d’eau de l’Asie", contrôle les sources de nombreux fleuves qui alimentent les pays voisins. Les projets chinois de construction de barrages en amont de ces cours d’eau suscitent des inquiétudes au Laos, en Thaïlande, au Cambodge et au Vietnam, qui dépendent du Mékong pour l’agriculture, la pêche et l’approvisionnement en eau. Ces tensions illustrent comment l’eau peut devenir une arme diplomatique dans les relations internationales.
Le changement climatique aggrave ces dynamiques en modifiant les cycles hydrologiques, en réduisant les précipitations dans certaines régions et en augmentant les risques de sécheresses et d’inondations. Ces phénomènes perturbent les écosystèmes et les économies locales, intensifiant les disputes pour l’accès à l’eau. Par exemple, en Afrique australe, les sécheresses prolongées ont exacerbé les tensions entre agriculteurs et éleveurs, entraînant des conflits violents dans des pays comme le Kenya et le Zimbabwe.
Outre les tensions entre États, l’eau est également un facteur de division au sein des pays. Les conflits pour l’accès aux ressources hydriques touchent souvent les populations les plus vulnérables, en particulier dans les zones rurales et les bidonvilles des grandes métropoles. L’inégalité d’accès à l’eau potable, qui affecte encore des milliards de personnes dans le monde, est un problème urgent qui nécessite des politiques inclusives et des investissements massifs dans les infrastructures.
Face à ces défis, des initiatives émergent pour promouvoir une gestion durable et équitable de l’eau. Des organisations internationales, comme l’ONU, tentent de favoriser le dialogue et la coopération transfrontalière, notamment à travers des accords sur le partage des bassins fluviaux. Cependant, ces efforts se heurtent souvent à des obstacles politiques et économiques, les États cherchant à préserver leur souveraineté et leurs intérêts nationaux.
L’innovation technologique offre également des pistes prometteuses pour atténuer les tensions liées à l’eau. Les technologies de dessalement, les systèmes d’irrigation efficaces et les solutions de gestion des eaux usées peuvent contribuer à optimiser l’utilisation de cette ressource précieuse. Cependant, ces technologies restent coûteuses et inaccessibles pour de nombreux pays en développement, renforçant les inégalités mondiales en matière d’accès à l’eau.
En définitive, la géopolitique de l’eau est un enjeu global qui dépasse les frontières. Alors que les ressources hydriques se raréfient et que les besoins augmentent, il devient essentiel d’adopter une approche coopérative et durable pour prévenir les conflits et garantir l’accès à l’eau pour tous. L’eau, plus qu’une ressource, est un droit fondamental et un bien commun de l’humanité, dont la préservation et la gestion devraient être au cœur des priorités internationales.
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